DZ Galerie est heureuse de vous présenter le travail de Patrick Rosiu, artiste ayant débuté sa carrière dans les années quatre-vingt. Enseignant, peintre, illustrateur, essayiste, critique d’art et psychanalyste, l’artiste a une approche multiple de l’art contemporain, mêlant habilement pratique et théorie. Il œuvre avec le hasard et la technè, alliant ainsi pensée, parole et regard dans un même geste.
Délicates improvisations
Mûrement improvisées, saturées de couleurs, jouant sur les formes et les textures, les œuvres de Patrick Rosiu troublent autant qu’elles égarent. Ses peintures se composent majoritairement de petites zones de couleur unies, fréquemment traversées par de petits éclairs de pigments interrompant une surface presque rigide. Aucun compromis de douceur, aucun traitement sensuel de la peinture ou aucune modération de la couleur, ses œuvres se caractérisent par une approche énergique et vigoureuse dans laquelle la netteté du fini est délaissée au profit d’un effet direct.
Le succès de l’œuvre dépend de la relation intime entre le peintre et son support lors du processus créatif. La toile, support souple non préparé, favorise des gestes de pliages, ouvrant à l’aléatoire et à la surprise, offrant à la couleur l’opportunité de se répandre sur la totalité de la surface. Par dessus, des entrelacs et des motifs viennent se superposer afin de créer un rythme coloré. Sur le carton ou le papier, l’artiste libère d’autres gestes qui s’articulent autour de torsions d’empoignades ou d’effleurements. Les lignes se déroulent comme des fils d’Ariane, mais le chemin tortueux se perd dans la confusion.
Les traits, les points, les signes qui juxtaposent le canevas initial du support, investissent progressivement toute la surface qui, au fur-et-à-mesure, disparaît. La forme qui émerge ouvre vers la rhétorique de la représentation et de la perception.
Hasard et gestes
Les œuvres de Patrick Rosiu font appel à une spontanéité totale d’une grande exigence, car contrairement à Mathieu ou Hartung, la composition ne peut être préalablement répétée. Le contrôle est absolu, car il est impossible de déguiser les faiblesses en peignant par dessus. Ainsi, pour que la composition fonctionne, Patrick Rosiu doit être littéralement dans la peinture, à la fois physiquement et psychiquement. Le geste introduit la manifestation de la personnalité de l’artiste, il en exprime son énergie, son mouvement et son monde intérieur.
Le geste et le hasard se retrouvent pour créer un territoire en extension, élargi par le fait de placer les œuvres en aplat directement sur la surface du mur ou du sol. Les couleurs et les formes semblent se mouvoir et s’étaler en dehors du support d’origine. Elles engendrent des dialogues avec les lieux et les regardeurs, entre l’espace et le temps, ou entre l’affect et l’esthétique.
Intentions du vide
Vides de représentation mais pleines de formes, les créations de Patrick Rosiu sont riches de nombreuses intentions. Elles sont des champs colorés qui ouvrent à une expérience intérieure. Elles sont des passages vers l’infini. Elles sont des surfaces matérielles vides. La saturation de l’espace ne contient rien de concret, elle est dépourvue de contenu. Et c’est bien là ce que l’artiste recherche : la création d’un néant par l’amalgame d’éléments. Et c’est bien là ce que le spectateur contemple : la saturation d’un vide. Comme face à un monochrome de Rodtchenko, le regardeur perçoit la manifestation de l’absolu, naissant de l’opposition entre le plein et le vide.
Mais l’œil ne s’abandonne pas dans la couleur, il suit les traits, il retrace les formes, il observe le geste et il perçoit l’action de l’artiste. Plus la contemplation est longue, plus la forme se dissout et les repères disparaissent, ouvrant vers une nouvelle abstraction.