« Painting Faces », série photographique
Ma série Painting Faces a été prise entre les années 2003 et 2014 dans les Hautes-Terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce travail vise à révéler la puissance de formes artistiques éphémères que la photographie fixe : les décorations corporelles.
Dans les Hautes-Terres, les tenues d’apparat sont d’une grande richesse. Les bigmen (hommes de prestige) se parent de bilas (parures) pour les grands événements. Parmi elles, les peintures corporelles ont attiré mon attention. Selon Michael Mel, docteur en art scénique et originaire de la région, elles sont des œuvres d’art à part entière, dont l’utilisation est largement codifiée et joue un rôle social prédominant. Les peintures visent à cacher l’apparence réelle de l’individu pour laisser se dessiner les caractéristiques essentielles de l’individu. Chaque couleur répond à des qualités, comme par exemple, le rouge qui évoque la part sacrée de l’individu.
Aujourd’hui, les papous continuent de se maquiller pour différents types d’occasions : mariages, deuils, célébration d’un bâtiment important… et organisent chaque année des joutes artistiques au cours desquelles ils confrontent leurs parures, leurs performances musicales et leurs danses. J’ai eu l’occasion d’assister à ce type de festivités à Goroka, Mont-Hagen qui sont les plus connues et dans d’autres régions plus reculées des Highland. Pour ces occasions, véritables événements régionaux très appréciés des papous, les porteurs de couleurs affichent leurs identités individuelles et collectives, illustrant la vitalité des membres de leur clan. La photographie vient alors immortaliser cet instant, captant la représentation que chacun se fait de soi et son caractère fugace.
Jeu amusant, je prends, d’une certaine manière, en photographie l’image d’un portrait peint sur un visage. J’ai opéré différents jeux de cadrage qui visent à créer une opposition entre le moi lisible dans les yeux, et le moi inscrit sur la figure, tout en s’éloignant des conventions du portrait de studio. L’emploi de la couleur vise à restituer les détails des différents éléments de parures, tout en livrant pour chaque photographié, la singularité de chacun.
Ma série Painting Faces, traduit l’œil que je porte sur ces corps parés, véritables œuvres d’art vivantes : un regard de curieux et de passionné, contemplant un monde proche et lointain. M’écartant de la pratique documentaire que je cherche à mettre en place dans mon travail photographique, la série vise à réaliser une fresque des identités construites par les danseurs. De ce fait je m’éloigne de la photographie d’actualité qui cherche à absorber les personnages dans leur action et dans leur état d’esprit afin de montrer une vérité. Les photographies conservent l’ambivalence de l’intemporalité, où résonnent les vers de Lamartine « Ô temps ! Suspends ton vol ! ».
Didier Zanette
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